



Homélie de l'ordination diaconale de Pierre Bernard
Pierre Bernard est né le 15 février 1951 à Charleroi. Ses parents lui ont donné le prénom de Pierre en mémoire du chanoine Pierre Harmignie, doyen de Charleroi, exécuté comme otage à Courcelles le 18 août 1944. Homme d’une vigueur intellectuelle exceptionnelle, Pierre Harmignie était un homme de prière. Le 17 août 1944, il avait été en adoration devant le Saint-Sacrement de 18 à 21 heures, une prière qu’il faisait deux fois par mois.
Élève chez les Frères des Ecoles Chrétiennes au Boulevard de l’Yser à Charleroi, Pierre Bernard entre à l’école secondaire des Pères Jésuites, au Collège du Sacré-Cœur, sur l’insistance d’un Père jésuite auprès de ses parents. Après les Humanités, Pierre commence le droit aux Facultés Notre-Dame, chez les Jésuites à Namur. Ensuite, il fait la licence à Leuven, où il devient assistant à la Faculté de Droit. En septembre 1973, il est membre du Barreau de Charleroi. Pierre fait le service militaire à Cologne, comme Candidat Officier de Réserve, en logistique. Membre d’une famille de militaires, cela allait de soi. C’est là, qu’au conseil de guerre, Pierre a l’occasion de plaider.
Au retour du service militaire, il s’inscrit à un cours de danse, où il fait la connaissance de Thérèse-Marie, qui enseigne à Bruxelles. Ils se marient le 30 juillet 1977.
Le Procureur général de Mons cherche des magistrats. Il contacte Pierre, qui est nommé substitut du Procureur du Roi en décembre 1977. En 1984, il devient substitut du Procureur général près la Cour d’appel de Mons. En 1990, il est avocat général et, en 2000, 1er avocat général. La carrière s’achève en 2011, avec le titre de 1er avocat général honoraire.
Pierre avait déjà envisagé plus tôt de devenir diacre, mais, comme un magistrat ne pouvait pas être clerc, il a dû attendre l’honorariat pour faire la demande à l’évêque. Les cours à suivre au cours de la formation ont été très intéressants. L’insertion dans la mission pastorale s’est manifestée dans l’Equipe d’Animation Pastorale de Lens, jusque dans les travaux qui accompagnent le processus Refondation, au terme du synode diocésain (2011-2013).
Après avoir été formé durant de nombreuses années chez les Jésuites, il est normal que Pierre ait été engagé dans les groupes CVX.
Au plan spirituel, Pierre est membre du mouvement marial fondé en 1984 par l’abbé Jean Simonart. Ce mouvement invite ses membres à vivre un samedi par mois au monastère de la Visitation à Kraainem. La cellule pour les jeunes vise à une rencontre personnelle avec le Christ. Le mouvement compte quelques personnes engagées dans la vie consacrée. La spiritualité propose essentiellement trois accents : la rencontre personnelle avec le Christ ; par l’intercession de Marie ; dans une vie apostolique. L’abbé Jacques Hospied initie à l’oraison grâce à l’école de la prière. Comme Jacques Hospied est, lui aussi, membre du mouvement marial, il a été invité dans l’unité pastorale de Lens pour apprendre à faire oraison.
Une sœur de l’abbé Jean Simonart, engagée dans la vie consacrée, a été directrice de l’Institut de la Vierge Fidèle à Bruxelles, institution d’enseignement dans laquelle Thérèse-Marie était enseignante. Marie, la fille de Pierre et de Thérèse-Marie, y a fait ses études. Comme son père, elle est devenue juriste. Elle a épousé Tanguy, lui aussi juriste. Ils ont trois enfants.
En 2012, j’ai demandé à Pierre de prendre en charge le Point de contact du diocèse de Tournai. Les révélations faites en 2010, sur les abus sexuels sur mineurs de la part de prêtres dans une relation pastorale, ont entraîné un accord entre le Parlement fédéral et les évêques et supérieurs religieux de Belgique. Le Centre d’arbitrage, résultat de cet accord, pouvait enregistrer les plaintes des victimes jusqu’en octobre 2012. Les victimes, qui désiraient plutôt une institution ecclésiale, pouvaient se manifester aux dix Points de contact mis sur pied par les huit diocèses de Belgique et les deux coordinations des supérieurs religieux du nord et du sud du pays. Avec Monique Bastin, Ernest Fortemps et Philippe Vermeersch, Pierre Bernard écoute les victimes et trouve des solutions, qui respectent la procédure mise sur pied par le Parlement fédéral et les évêques et supérieurs religieux de Belgique.
Dans le prolongement des Points de contact, les évêques et supérieurs religieux de Belgique ont, après la convocation de quelques évêques à la Commission de suivi du Parlement fédéral le 10 décembre 2014, décidé qu’il y aurait, pas diocèse, une Equipe de soin chargée d’accueillir les prêtres soupçonnés de pédophilie ainsi que les acteurs pastoraux qui ne sont pas au clair avec leur tendance perverse à l’égard des mineurs. Cet accueil n’est pas une protection des pédophiles. Il s’agit, dans le cadre strict de la Loi, d’accompagner celles et ceux qui se posent des questions sur leur orientation perverse, ceux et celles qui ne sont pas passés à l’acte ainsi que celles et ceux qui ont purgé leur peine, suite à un jugement de la Justice de l’Etat.
La vie de Pierre, dans une communion très profonde avec son épouse et une communion très soutenue avec la famille, comprend, de manière cohérente et enracinée dans la foi, le service de la société tel que le promeut la doctrine sociale de l’Eglise. Respect de la laïcité de l’Etat et de ses institutions et service compétent dans le cadre de la justice. Pierre a plaidé pour des victimes et pour des personnes qui étaient poursuivies pour des délits. Comme magistrat, il a écouté beaucoup de monde ; il a discerné ce qui était en jeu ; il a suggéré des orientations pour le bien de tous, de l’ensemble de la société en particulier. Dans ce cadre-là, il a touché les diverses formes du mal, tant du côté des personnes poursuivies que du côté des victimes. Pierre a beaucoup appris de ses collègues, que ceux-ci soient croyants ou non. Dans le service de la justice, les convictions des personnes sont à respecter, cela va de soi. Mais ce qui compte d’abord, c’est le service, la mission, dont on a reçu la charge. Cela suppose une compétence reconnue par les pairs et une confiance dans les procédures prévues par les différents codes.
Dans la mission de diacre, ces aspects de la vie de Pierre ne vont pas disparaître. Ils vont se manifester d’une autre manière.
La liturgie de ce jour met en lumière l’itinéraire du peuple de la première alliance dans les décennies qui précèdent l’exil à Babylone, les 70 ans d’exil, ainsi que la décision du roi de Perse Cyrus qui permet aux Juifs de revenir à Jérusalem. Le 2ème livre des Chroniques dit de Juda avant la déportation : tous les chefs des prêtres et du peuple multipliaient les infidélités, en imitant toutes les abominations des nations païennes. Malgré la parole des prophètes, le peuple ne change pas, ne se convertit pas. L’exil à Babylone devient un temps de réflexion. Une fois que le peuple comprend que la dévastation de Jérusalem par Nabuchodonosor est une conséquence de l’oubli de l’alliance avec Dieu, la conversion peut commencer. La demande de pardon fait progressivement son chemin. Dieu inspire Cyrus qui autorise le retour à Jérusalem afin d’y bâtir une maison pour Dieu.
L’évangile évoque l’élévation du Fils de l’homme sur la croix, comme le lieu éminent du salut. Celui qui croit en regardant la croix a la vie éternelle, il est sauvé. Jésus rappelle à Nicodème que Dieu a tellement aimé le monde qu’il a donné son Fils unique, afin que quiconque croit en lui ne se perde pas, mais obtienne la vie éternelle. Car Dieu a envoyé son Fils dans le monde, non pas pour juger le monde, mais pour que, par lui, le monde soit sauvé. Ensuite vient une parole sur le Jugement. Celui qui croit au Fils de Dieu échappe au Jugement, celui qui ne croit pas est déjà jugé, du fait qu’il n’a pas cru au nom du Fils unique de Dieu. En quoi consiste ce Jugement : la lumière, qu’est le Verbe, la Parole de Dieu, le logos, est venue dans le monde, et les hommes ont préféré les ténèbres à la lumière, parce que leurs œuvres étaient mauvaises. Nous avons une évocation de ce qui a précédé l’exil à Babylone. Jésus demande de faire la vérité pour qu’il soit manifeste que les œuvres, ce que l’on fait, ont été accomplies en union avec Dieu. Croire au Fils de Dieu ; accueillir la lumière qu’est la Parole de Dieu ; faire la vérité pour manifester que la mise en pratique de la Parole de Dieu montre que nous vivons en union avec Dieu, voilà ce qui nous permet d’échapper au Jugement. Ceci est une invitation à renouveler la conversion.
L’apôtre Paul, dans la Lettre aux Ephésiens, insiste sur l’amour de Dieu, qui est riche en miséricorde : à cause du grand amour dont il nous a aimés, nous qui étions des morts par suite de nos fautes, il nous a donné la vie avec le Christ. Finalement, il est bien vrai que c’est par grâce que vous êtes sauvés, et par le moyen de la foi. Cela ne vient pas de vous, mais de Dieu (…). C’est Dieu qui nous a faits, il nous a créés dans le Christ Jésus, en vue de la réalisation d’œuvres bonnes qu’il a préparées d’avance pour que nous les pratiquions.
C’est dans l’accueil du don que Dieu nous fait en son Fils pour nous délivrer du mal, du péché, de la mort afin que nous ayons la vie, en vue de réaliser des œuvres bonnes pour que nous les pratiquions, que nous célébrons l’ordination diaconale de Pierre.
Consacré à la diaconie de l’Eglise, Pierre accomplira sa fonction de diacre avec charité et simplicité de cœur, en gardant le mystère de la foi dans une conscience pure, en proclamant cette foi par la parole et pas des actes. De plus, il gardera et développera un esprit de prière conforme à son état. Dans la fidélité à cet esprit, il célébrera la liturgie des Heures en union avec le peuple de Dieu, intercédant pour lui et pour le monde entier.
Dans cette intercession, que la litanie des saints manifeste avec éclat, Marie aura une place éminente, qui rejoint directement la prière de Pierre, Thérèse-Marie, Marie, Tanguy et la famille.
Thérèse de l’Enfant-Jésus et de la Sainte Face sera invoquée comme celle qui a dit : Dans le Cœur de l’Eglise, ma Mère, je serai l’Amour.
C’est dans cet esprit que Pierre entendra, une nouvelle fois, l’appel du Seigneur à devenir son disciple. Comme l’indique le faire-part d’ordination, Pierre rappelle la parole de Jésus en Mc 2, 14 et Jn 21, 19 : Suis-moi.
Au décret 49 du synode diocésain, je lis : Les diacres signifient, par leur ordination, un aspect réellement essentiel de la mission de l’Eglise. Un nouvel appel sera lancé de telle manière que chaque future paroisse nouvelle, chaque secteur pastoral ait au moins un diacre.
Je suis heureux que l’unité pastorale de Lens accueille un diacre permanent. Puissent les autres unités pastorales s’engager sérieusement à appeler des diacres permanents.
+ Guy Harpigny,
Evêque de Tournai
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Créé parDiocèse de Tournai
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